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Née en 1902 à Gap, Yvonne Oddon intègre en 1924 l’Ecole américaine des bibliothécaires de Paris. Jugée brillante, elle est envoyée deux ans aux Etats-Unis pour y parfaire ses connaissances bibliothéconomiques. De retour en France, elle fait bénéficier le réseau des bibliothèques publiques françaises de l’expérience acquise dans les bibliothèques américaines en suggérant la création de bibliothèques de prêt et la mise en place de bibliothèques circulantes (les bibliobus !).

Si Charles-Henri Bach est le seul auteur des deux premières éditions du Guide du bibliothécaire amateur (1931 et 1942 ?) rédigé à la demande de l’Ecole américaine, Yvonne Oddon sera la co-autrice du Petit guide du bibliothécaire à partir de la 3^e édition de 1948. Le « Bach et Oddon » connaîtra sa 9^e et dernière édition en 1974 et servira de manuel de référence en bibliothèque jusque dans les années 1990.

Après la Seconde Guerre mondiale, tout en dirigeant la bibliothèque du Musée de l’Homme, Yvonne Oddon s’attache à fonder à l’UNESCO avec Georges Henri Rivière, alors directeur du Musée national des Arts et Traditions populaires, le conseil international des musées (l’ICOM) dont elle dirige le centre de documentation muséologique. Elle effectue ensuite et jusqu’après sa retraite de bibliothécaire de nombreuses missions de formation et d’étude à Haïti, en Suède, au Nigéria... Elle publie en 1970 dans la revue Musées et Monuments de l’UNESCO un article très complet sur la façon de documenter les objets sur le terrain ou lors de leur enregistrement dans les musées.

Son lien avec Georges Henri Rivière remonte à 1928 quand il l’a fait embaucher chez le banquier collectionneur et mécène David David-Weil, avant de la recruter lui-même en 1929. Sous-directeur du Musée d’ethnographie du Trocadéro (MET), il la charge d’organiser la documentation et de prévoir la future bibliothèque du Musée de l’Homme encore en gestation. A son ouverture en 1938, la bibliothèque reposait sur des principes révolutionnaires en France : « une bibliothèque spécialisée entièrement publique, l’accès libre aux rayons pour une collections de 10 à 15000 volumes, […] une classification systématique des sujets, tant pour le classement méthodique des collections que pour le rangement matériel sur les rayons »¹. Ce classement systématique, emprunté à la bibliothèque du Congrès à Washington, est également utilisé pour la photothèque qu’elle met en place avec l’ethnologue Thérèse Rivière. Son projet des bibliothèques rejoint le souhait de Paul Rivet, directeur du Musée de l’Homme, de créer un musée-laboratoire ouvert à tous.

Femme de conviction, elle ne se résout pas, en 1940, à l’occupation allemande de la France. Avec les ethnologues Boris Vildé et Anatole Lewitsky, qui est aussi son compagnon, elle constitue dès juillet-août le noyau fondateur du Réseau du Musée de l’Homme. En lien avec d’autres groupes de résistantes et résistants, ce réseau s’occupe de filières d’évasion, de transmission de renseignements en Grande-Bretagne et de rédaction et diffusion de textes de propagande anti-allemande.

En décembre 1940 parait le premier numéro du journal Résistance : bulletin officiel du Comité national de salut public, conçu et imprimé dans les sous-sols du Musée de l’Homme. Le nom en a été trouvé par Yvonne, de famille protestante, qui s’est souvenue du graffiti « Résister » gravé par une huguenote emprisonnée au XVIIIe siècle dans la tour de Constance à Aigues-Mortes.

L’issue tragique de ce réseau est connue : à la suite d’une dénonciation, entre autres par deux collègues du Musée de l’Homme pendant l’hiver 1941, plusieurs membres du réseau sont arrêtés et le jugement prononcé en février 1942. Sept hommes, dont Vildé et Lewitsky, sont exécutés le 23 février. Les trois femmes arrêtées sont également condamnées à mort mais voient leur peine commuée en déportation avec la mention « exécution suspendue ».

« Pour moi, je ne m’en tirerai que parce que je suis une femme, ce qui est une injustice de plus »² écrit-elle à une amie du Musée qui a échappé aux mailles du filet. Yvonne Oddon survit aux prisons de Karlsruhe, Anrath, Lübeck, Cottbus et aux camps de Ravensbrück et Mauthausen et est libérée en avril 1945. Après quelques mois de repos, elle retrouve son poste en 1946 à la bibliothèque du Musée de l’Homme (où elle est enfin titularisée !) et reprend avec énergie ses multiples engagements au service des bibliothèques et des musées.

¹ Oddon Yvonne, Histoire du développement de la bibliothèque du Musée de l’Homme dans Bulletin de la Société des amis du Musée de l’Homme, janvier-mars 1957.

² Courrier d’Yvonne Oddon écrit entre le 17 et le 23 février 1942, archive consultable à la Bibliothèque centrale du Muséum, fonds Yvonne Oddon, 2 AP2 C1b.