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Joseph Bonnier de La Mosson (1702-1744), hérita en 1726 de la charge de trésorier des Etats du Languedoc, d’une immense fortune, du Château de La Mosson près de Montpellier et de l’Hôtel du Lude, dont la construction avait été achevée en 1710 (situé à l’emplacement du 244 boulevard Saint-Germain, il a été détruit en 1861).
Partageant son temps entre le Languedoc et Paris, Bonnier de La Mosson entreprit rapidement de grands travaux dans sa demeure parisienne, dont il transforma les appartements du premier étage en une galerie constituée de neuf cabinets en enfilade présentant l’ensemble des sciences dans un ordre systématique : le cabinet d’anatomie, le cabinet de chimie ou laboratoire, le cabinet de pharmacie ou apothicairerie, le droguier, le cabinet du tour, le premier cabinet d’histoire naturelle, ou cabinet des animaux en fioles, le deuxième cabinet d’histoire naturelle, ou cabinet des animaux desséchés, le cabinet de mécanique et de physique et, au milieu de la bibliothèque, le coquillier. Il les garnit des plus remarquables objets scientifiques qu’il put trouver ou faire réaliser, conseillé en cela par les meilleurs savants, ingénieurs et artisans de son temps et les ouvrit largement à tous les curieux qui le souhaitaient.
La physionomie, l’organisation et le contenu de tous ces cabinets, richement décorés par le peintre Jacques de Lajoüe (1686-1761) et meublés de boiseries sculptées en chêne de Hollande nous sont bien connus grâce à deux documents de l’époque : le recueil de dessins réalisés en 1739-1740 par Jean-Baptiste Courtonne (1711-1781) 1 et le catalogue dressé en 1744 par Edme-François Gersaint (1694-1750) 2. Mort prématurément à l’âge de 42 ans en laissant une situation financière difficile, Bonnier de La Mosson ne profita pas longtemps de ses magnifiques et dispendieuses collections, dont la constitution n’avait été achevée qu’en 1739. Pour que l’Hôtel du Lude puisse être loué, il fallait le débarrasser rapidement des collections et du mobilier qu’il abritait. Les créanciers s’adressèrent donc à Gersaint, marchand mercier parisien rompu à l’organisation des grandes ventes aux enchères.
En 1745, au moment de cette vente, Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, avait trente-huit ans ; intendant du Jardin du Roi depuis six ans, il s’était principalement consacré à la réorganisation de l’établissement et à l’enrichissement des collections du Cabinet du Roi. C’est dans ce cadre qu’il se porta acquéreur, d’une part de bocaux et de préparations rares, d’autre part, pour la somme considérable de trois mille livres, des corps de menuiserie des cinq armoires meublant le deuxième cabinet d’histoire naturelle. Transportées au Jardin, elles furent remontées dans le Cabinet où elles restèrent jusqu’au déménagement des anciennes galeries.
Longtemps restées démontées, elles furent classées monument historique en 1979, restaurées, installées dans la salle de conférences de la bibliothèque centrale (actuelle médiathèque) et garnies de spécimens naturalistes issus des collections du Muséum, dans le respect de la présentation d’origine, telle qu’elle a été dessinée par Courtonne et précisément détaillée par Gersaint. Depuis, le public du Jardin des Plantes a la possibilité de venir contempler gratuitement, aux jours et heures d’ouverture de la bibliothèque, la fidèle reconstitution de ce rare témoignage de ce que furent les cabinets de curiosités du siècle des Lumières, précurseurs de nos musées scientifiques.
1 COURTONNE (Jean-Baptiste) Le Cabinet de Joseph Bonnier de La Mosson. Paris : Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques Doucet.
2 GERSAINT (Edme-François) Catalogue raisonné d’une collection considérable de diverses curiosités en tous genres, contenues dans tous les cabinets de feu Monsieur Bonnier de La Mosson, bailly et capitaine des chasses de la Varenne des Thuilleries et ancien colonel du Régiment Dauphin. Paris : chez Jaques Barois et Pierre-Guillaume Simon, 1744.